Ulla von Brandenburg - CHORSINGSPIEL

Entre films, dessins, peintures murales, objets et installations, les œuvres d’Ulla von Brandenburg empruntent différents supports, mais chacune d’elles apparaît comme le prolongement ou l’élément d’un plus vaste espace de mise en scène. Avant de rejoindre l’université des beaux-arts de Hambourg en Allemagne, l’artiste a étudié la scénographie et a toujours une forte inclination pour le monde du théâtre. Les rideaux, qu’ils soient directement empruntés au théâtre et montés sur une scène ou qu’ils prennent la forme de dessus-de-lit colorés, sont des éléments récurrents dans son travail. Ces morceaux de tissu à mi-chemin entre sculpture et tableau servent aussi à façonner ou à encadrer l’espace d’exposition. Ils produisent des coins et des recoins ou délimitent des parcours vers des espaces de projection.

Le film et la vidéo, techniques fréquemment utilisées par l’artiste, lui permettent paradoxalement de réactiver des formes pré-théâtrales comme la tragédie classique. Cet intérêt pour des modèles généralement considérés dépassés est aussi un thème récurrent d’Ulla von Brandenburg. Son iconographie de prédilection est liée au passage de l’obsession de l’occulte au XIXe siècle à la rationalité du XXe siècle. La photographie spirite, la transition de l’hypnose à la psychanalyse, les cartes de tarot et les sociétés secrètes apparaissent souvent dans ses créations. En adoptant et renouvelant cet imaginaire symboliste, l’artiste ravive le mysticisme du mouvement fin-de-siècle, l’utopie de la Gesamtkunstwerk (l’œuvre d’art totale) ainsi que les racines ignorées et refoulées de la modernité.

Chorsingspiel présente deux installations vidéo issues de la Collection. Singspiel (2009) fait référence à une forme d’opéra en vogue à la fin du XVIIIe siècle en Allemagne. À la fois film muet et œuvre à bande-son, l’installation montre un repas de famille réunissant une douzaine de convives d’âges différents, ainsi qu’une étrange performance dans un théâtre en plein air où Ulla von Brandenburg interprète elle-même deux chants, comme un rappel des concerts donnés pendant les séances de cinéma au début du XXe siècle. Chorspiel (2010), également un film en noir et blanc, utilise les vocabulaires de la performance, du théâtre et de la peinture pour les synthétiser dans un tableau vivant qui intègre des chœurs de tragédies grecques. Présentées au Japon pour la première fois, ces deux installations vidéo rendent un vibrant hommage à l’œuvre protéiforme de cette grande artiste allemande.