À travers le portrait émouvant d’un enfant, Balthasar, la vidéo Zum Beispiel Balthasar, 6 Jahr (« Par exemple Balthasar, 6 ans ») (1995) évoque le chapitre le plus sombre de l’histoire allemande. Main dans la main avec une petite fille et accompagné de deux petits chiens, il se promène sur une route de campagne ensoleillée. Les vêtements et les accessoires, dont un chapeau noir à large bord et une petite valise, suggèrent un long voyage. Sur le trajet, les deux enfants s’arrêtent pour s’essuyer réciproquement les larmes ; ils aperçoivent un oiseau tenant une proie dans ses serres, triste présage d’une tragédie inéluctable. Le film continue à l’intérieur d’une église où Balthasar, poussé par la fillette, se balance, en riant, sur la corde d’une cloche. Le tintement lent et solennel accompagne la transition de la même scène dans un gymnase : par le jeu, les deux enfants revivent un souvenir heureux, une normalité perdue. Le film s’arrête sur un manège tournant qui, observé du point de vue de Balthasar, installé en dessous, la tête levée, éveille la possibilité d’un envol. Si la teinte sépia confère un effet rétro, l’utilisation du ralenti, un choix stylistique fréquent dans les vidéos de Trockel, et le rendu muet apportent du suspens. La musique du compositeur Christoph John, commandée par l’artiste, souligne la dimension dramatique sous-jacente.